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1° LES DÉCLARATIONS SONT-ELLES DES GARANTIES ?

Les contrats de garantie d’actif et de passif commencent généralement par une longue série d’affirmations du cédant sur la conformité de l’entreprise aux règles applicables aux divers aspects de son activité. Ces déclarations ont un intérêt pratique non négligeable :

  • elles obligent le cédant à mettre noir sur blanc une forme de testament de sa gestion,
  • elles fournissent de nombreuses informations au cessionnaire.

Ont-elles pour autant une portée juridique ? La doctrine a longtemps répondu par la négative, considérant qu’il s’agissait là de « clauses de style ». Elle a commencé à changer d’avis à partir de 2007 avec un article du professeur Paillusseau[1]. Loin d’être de simples indications, les affirmations constituent de véritables engagements du cédant. Au cas où les affirmations faites s’avèreraient fausses, le cédant devrait indemniser le cessionnaire des conséquences dommageables de ces affirmations. Il s’institue donc une véritable garantie de conformité qui pèse sur le cédant. Un récent arrêt de la Cour de Cassation a décidé que les cédants doivent au cessionnaire la différence entre les fonds propres réels et les fonds propres affichés dans les derniers comptes du cédant, qui avaient fait l’objet d’une affirmation de sincérité de sa part[2].

Il est donc temps, soit de réduire les affirmations dont il apparait qu’elles ne sont pas gratuites, soit d’en vérifier soigneusement le bien-fondé.

2° L’ARTICLE 1843-4 C.civ. VA-T-IL RENTRER DANS SON CADRE D’ORIGINE ?

La pratique s’est légitimement émue du tournant pris à partir de 2009 par la Cour de Cassation dans l’application de l’article 1843-4 du Code Civil. On rappelle que cet article fixe les conditions de recours à un expert pour fixer le prix de parts sociales lorsque des actionnaires ne parviennent pas à se mettre d’accord entre eux.

A partir d’un arrêt remarqué de 2009, la chambre commerciale a posé le principe qu’en cas d’application de cet article, l’expert désigné n’était pas tenu d’observer les méthodes d’évaluation fixées par les parties dans les statuts, dans une promesse de cession voire même dans des pactes extra-statutaires. Il lui appartenait de fixer librement les méthodes qui lui paraissaient les plus pertinentes. On ne pouvait qu’être surpris par une telle négation des engagements contractuels ! La doctrine et les praticiens se sont donc mobilisés pour alerter les hauts magistrats sur les dangers que leur jurisprudence faisait peser sur le fonctionnement de groupes aussi divers que les groupes coopératifs de la grande distribution ou  les grands cabinets d’audit, organisations où l’entrée et la sortie du capital sont fixées dans des formules financières très précises.

Cet effort d’explication a–t-il porté ses fruits ? En tout cas dans un arrêt récent, la Cour a rejeté une demande de QPC sur l’article 1843-4, en indiquant de manière subreptice que l’article ne s’applique que s’il y a « désaccord sur la valeur », formule différente de la formulation légale « en cas de contestation ». M. Lienhard[3] y voit un glissement notionnel : si les statuts ou les conventions stipulent une méthode d’évaluation, les parties sont nécessairement d’accord sur cette méthode ; leur désaccord ne peut donc plus porter que sur l’application de ladite méthode.

Subtil… Attendons la suite !

Dominique LEDOUBLE


[1] J. Paillusseau – La garantie de conformité dans les cessions de contrôle – JCP E 2007.1238. Egalement A. Couret & Ph. Rosenpick – L’articulation entre déclarations et clauses de garantie de passif – Dr.&  patr. 2008 N° 175.
[2]
 Cass. Com. 2 févr. 2010 – JCP E 2010.1391 note Leobon.
[3]
 Cass. Com. 8 mars 2011 note Lienhard D. 2011.816 et B. Dondero – article 1843-4 du code civil : clarifications suggérées – Mélanges Tricot 2011.

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