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Le héros de la comtesse de Ségur se jetait avec son habit neuf dans un ruisseau pour échapper à la pluie battante. Voilà notre normalisateur qui, réalisant enfin que la distinction entre les locations opérationnelles et financières est trop aisément contournée, se décide… à élargir le traitement comptable des locations financières à toutes les formes de location ![1]

Sous les appellations de « droit d’usage » à l’actif et de « dette d’usage »  au passif, tout locataire devra enfler :

  • son actif d’un nouveau bien évalué à l’entrée à la valeur actuelle des loyers futurs et amorti sur la durée d’usage du bien ou celle du contrat si elle est plus courte ;

  • son passif d’une nouvelle dette qui générera un intérêt tous les ans sous forme de « désactualisation ».

La lecture du compte de résultat ne sera guère plus simple puisqu’à la place du poste « loyers », il faudra rechercher des amortissements et des intérêts, sans compter les effets d’impôt différé. Meilleure prévisibilité des cash-flows « nous dira-t-on » ? On peut légitimement en douter car les écritures qui vont impacter le compte de résultat sont des flux comptables objets de savants retraitements et non des flux de trésorerie. Le banal paiement mensuel des loyers ne passe plus par le compte de résultat ; il vient diminuer le montant de la dette d’usage.

Qu’on se rassure : pour les contrats à périodicité annuelle, on pourra utiliser une méthode simplifiée… consistant à répartir le loyer sur les mois d’utilisation. Retour vers le futur !

La situation du bailleur ne va pas se simplifier davantage :

  • s’il cède les avantages et risques du bien, il le déconsolide, jusque là rien de très nouveau,

  • dans le cas contraire, il va recourir à la méthode intitulée « obligation de prestation ». Le bien loué reste à l’actif mais une nouvelle écriture apparaît : à l’actif, on constate la créance correspondant à la série actualisée des flux de loyers, au passif la dette correspondant à l’engagement de mettre le bien à disposition du locataire.

On terminera ce très bref aperçu en indiquant que dans un souci d’éviter les montages à vocation exclusivement comptable, l’IASB a prévu que les flux de loyers futurs devront prendre en compte les renouvellements, les options et toutes sommes à payer en cours ou en fin de bail, quelle qu’en soit la dénomination. Pour prendre un exemple simple, lorsque vous entrez dans un bail commercial (3/6/9), vous devez estimer votre durée probable de maintien dans les lieux, l’incidence des clauses d’ajustement, le pas de porte que vous pourriez éventuellement toucher en cas de cession en cours de bail, etc.

Tous les ingrédients d’une mauvaise décision sont réunis dans ce document :

  • complexité technique extrême au profit d’une comparabilité probablement illusoire,

  • généralisation à tous les contrats simples, de règles qui ne visent en réalité que des situations rares et/ou complexes,

  • faute d’accord sur l’une des normes en vigueur, le FASB et l’IASB se sont mis d’accord sur une méthode nouvelle, non testée. Est-ce le prix de la convergence des normes américaines et mondiales ?

Il va de soi que les commentaires connus au niveau français sont négatifs[2], mais au fait existe-t-il des lecteurs satisfaits ? Difficile de répondre de manière générale ; toujours est-il que les quelque 700 réponses reçues et accessibles sur le site du FASB pour compte des deux organismes, sont rarement positives. On peut résumer le sentiment général par : l’approche est conceptuellement discutable et le rapport coût/avantage très insuffisant[3]. Copie à revoir…

Dominique Ledouble

[1] Pour une présentation résumée cf. Snapshot : Leases, publié en août 2010.
[2]
 On consultera sur ce point le point de vue de P. Quiry et Y. Le Fur dans la lettre Vernimmen d’octobre 2010 ou l’excellente réponse de l’ORIE, l’Observatoire régional de l’Immobilier en Ile-de-France.
[3]
 Les banques sont hostiles pour des raisons prudentielles évidentes, les grands cabinets d’audit sont très réservés tout comme les grands acteurs de l’immobilier. On pourra à titre de preuve contraire lire la contribution positive de l’ACT (Association of corporate treasurers), dont on se demande si elle reflète bien la position des trésoriers britanniques !

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